poésie
poésie

nuits.

Des mois, des mois
Sans voir le temple et le creux des murs
Quand sonne la poitrine à moi
À contempler les rives
Mille vagues des siècles
Je viens. Il fait si froid. […]

À Dieu.

Vous m’arrachez la gorge, Votre Grâce, et je suis las d’écrire les lettres que vous déchirez. La force a quitté mes bras assommés et ma tête cassée : parfois ils sentent germer le sursaut de ma patience et savent accrocher de la raison à un art primitif, un tarot tiré les yeux soudés. Voilà une divination parjure : je devine un amour pour vous au-delà de moi, égoïste au loin, navré de sa nature… Il vous veut comblé ; il chasse la médiocrité et cueille les reflets qui échouent dans les nœuds de vos mains alors sûres d’être aimées. […]

ploie.

Il cueille la juste gourmandise, le rêve à point comme une cerise noircie, les lèvres acides d’une goutte de sueur toute humaine, compensée sans gêne par le sucre de son baume ; il goûte, fin gourmet, aux saveurs de sa nuque penchée qu’il imagine à la merci de ces doigts agités, sages toujours sur le dossier, pudique retenue de l’amant public ; il ploie, à son service tout destiné, le corps engagé dans la passion de son présent, devant lui accompli, sur un baiser anobli et s’efface autour d’eux, lugubre horizon de la pièce encombrée, la poussière de l’assemblée aux yeux clos. Ceux-là se sont trompés d’existence. […]

leurres.

Par l’aiguille recouds, Ciel, croyance païenne,
La douce lettre à mes ongles volée ; attire,
S’il te plaît, son encre moins noire que mes pensées
Tout contre son col rouge de langueur pour mon ire,
Merci. […]

hivers.

On croyait trop de lui ; et depuis ses inquiétudes fleurissait une hypocrisie cyclopéenne. Ses ambitions d’artiste, il les avait cachées sous le sable : ainsi devenait-il le totem lamentable des humeurs des médiocres — et, que dire sinon qu’il aimât la niche dans laquelle il avait trouvé refuge. […]

appâts.

Absurde et doux comme l’amour qu’on porte
À l’arène impériale, le flanc rougi casse
Et s’effondre sur lui par lui-même mangé
L’ongle y trempe, y reste. Dehors c’est hostile.
Chaud et douteux, mais toujours plus sûr,
Béante, le con de la putain les joues fiévreuses.
L’arène, encore. Ses chairs autour, l’amour un peu
Et les leurs, ailleurs, progressent tristement. […]

colères.

J’aime trouver dans vos faubourgs l’inconnu qui pourrait me tuer. La foule s’agite et grouille comme l’enfance après l’école ; de la peine, et de la pitié pour le côté de mon cœur qui croyait être le flâneur. Puisque rien n’est unique, pas même ce rien : que dirait la chaleur de tes vertiges ? Les ombres des masses noieraient-elles l’orgueil de la tienne ? Ce cœur plein des regrets des garçons d’église que l’on congédie sans un mot…